La couleur tombée du ciel. H.P. Lovecraft

Lovecraft est le père de la science-fiction, et pour ma part je n’aime pas du tout ce genre (littéraire ou cinématographique). Pourtant, la réputation de l’auteur couplé aux arguments passionnés d’un ami et à l’absence de choix de bouquins ont finalement eut raison de mes refus initiaux. Allons, après tout pourquoi pas, ça ne sera jamais pire que du marclévy.
Adolescent, j’ai absorbé quantité de Stephen King, un écrivain brillant, qui sait ancrer ses récits dans un contexte réaliste rendant l’histoire plus angoissante encore. Paternité de style oblige, pour Lovecraft c’est pareil ! Ses nouvelles se situent dans des lieux et des espaces temps compréhensibles d’une époque révolue (fin du XIXème siècle).
Lovecraft signe avec « La couleur tombée du ciel » un recueil de nouvelles dont la première, éponyme, donne le fil conducteur aux trois autres récits. Les histoires se déroulent en Nouvelle-Angleterre, dans des régions montagneuses percées de vallées hostiles qui posent un décor angoissant.
La structure des récits est relativement semblable, le narrateur commence par introduire l’histoire qui suit, s’en suit un flashback et une conclusion de retour à la temporalité initiale de la narration. Dès lors, on sait que le conteur a survécu aux faits troublants qu’il va énoncer par la suite et qu’il a prit le recul du temps pour analyse. Le corps des nouvelles met en lumière des faits paranormaux qui flirtent néanmoins avec les frontières rationnelles de la science de l’époque.
Lovecraft joue des croyances ésotériques, des mythes païens, mêle la cosmologie et le mystique, finit par saupoudrer le tout de vie extra-terrestre. Au final, on a un doute systématique entre ce qui sépare la réalité de l’hallucination. Lui même induit ce doute dans chaque nouvelle, questionnant toujours ce dont il aurait été témoin. Ca ne fait que renforcer les inquiétudes que l’on a sur sa santé mentale frisant avec la schizophrénie de vieil atrabilaire reclus dans des montagnes misanthropes.
La science et le style académicien qui décortique les faits autorisent l’irréel à prendre place dans le récit, sans jamais le justifier, ils le rendent acceptable. C’est à travers ce doute que Lovecraft pose les bases de ses récits et construit l’abomination de ses horreurs. Car c’est de ça qu’il s’agit : d’angoisse générée par des personnages irréels, semant le chaos, la mort et la destruction dans des coins désolés. Les atrocités des faits contés formulent les affres et le rythme des histoires.
Vous l’aurez comprit, la science-fiction n’est pas ma tasse de thé mais si l’on aime ce genre je recommande vivement Lovecraft qui sait créer des univers tourmentés et générer la peur grâce à son imagination et à son talent d’écrivain. Les descriptions de paysages sont également remarquables. Je regrette que Lovecraft se soit trop coupé des hommes dans sa propre vie d’ermite car l’Humain est totalement absent de ses récits. Bien sûr les personnages sont de forme humaine mais l’Humanité qui créé de l’empathie a glissé sous les doigts de l’auteur. Peu de dialogues, très peu de liens entre les personnages et c’est, au final, l’aspect qui m’a le plus déplu. Lovecraft : check !