Électre à la Havane. Leonardo Padura

Publié le par Tactile

Leonardo Padura continue sa série policière autour du personnage du Conde, un flic havanais à l’ancienne et plein de subtilités. Cette fois-ci l’enquête traite du meurtre d’un travesti, fils de diplomate. Le Conde va devoir s’immerger dans un monde tabou et caché du régime cubain, de ses contradictions idéologiques et violences systémiques.

« Mario Conde avait la mauvaise habitude d’avoir des idées fixes et de chercher, dans chaque affaire, ses propres obsessions. »

Le Conde est un personnage complexe que l’on découvre au fil de l’histoire, son regard sur la ville, son observation des gens, le rythme de sa pensée et la profondeur de ses questionnements en font un narrateur exquis. Mais il n’est pas le seul narrateur puisque les ellipses temporelles sont racontées par un autre personnage intéressant : Alberto Marqués. Le style change peu mais la parole alternée est reçue via les oreilles du Conde.

« Puis il fouilla avec prudence dans la culotte et n’y trouva pas de fausses castrations, mais un puits humide et bien profond où la moitié de sa main disparut. Définitivement réveillé par la découverte de ce gisement, son camarade de voyage se secoua, s’étira, bâilla et dégourdit ses os, pour tomber, comme une balle bien lancée, dans la bouche de Poly, aussi profonde que ses autres cavités déjà explorées. »

C’est un livre très plaisant à lire et pourtant l’intrigue policière paraît bien secondaire. Un style tout à fait cubain qui s’illustre par la retenue et la distance mise avec les évènements historiques vécus. Pourtant entre les lignes on lit une époque et on l’on visualise un cadre de vie qui renferme autant de lumière que de souffrance.

Encore une fois, il est de bon ton de parler de la traduction. Le titre original : « Mascaras » qui se traduit par Masques a été totalement changé par les orgueilleux traducteurs français, membres imminents du sabotage littéraire et fidèles apôtres de l’échec littéraire. Lamentable, d’autant plus quand Padura ponctue son synopsis de masques. Bas les masques les escrocs, publiez ou bien respectez !

« Ce fut un tour de magie parfaitement réalisé : la pluie cessa, le vent balaya les nuages vers d’autres précipices et un soleil incendiaire de sept heures du soir revient pour se charger de tirer un rideau de jour. Mais l’odeur de pluie semblait installée pour toute la nuit dans la peau de la ville, l’emportant sur les vapeurs de gaz, sur les effluves ammoniaquées d’urine, sur les odeurs équivoques des pizzerias bondées et même sur le parfum de cette femme qui marchait devant le Conde. »

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