Les incroyables aventures d'une balayeuse qui a trouvé un dictaphone. Jérôme Idelon

Publié le par Tactile

Les incroyables aventures d'une balayeuse qui a trouvé un dictaphone est l’histoire de la vie d’Anna, un personnage fictif inspiré de la vie réelle de Anna Livart. Jérôme Idelon a romancé son récit pour en tirer une quintessence poétique. La narration débute dans un hôtel face à une église où la protagoniste y est attendue comme maîtresse de cérémonie. Si tout porte à croire que l’on va assister à son mariage, l’auteur nous leurre dès le premier chapitre grâce au truchement des mots.

« Dans le fond du cimetière, un pêcher était en fleurs. L'ancien curé de la paroisse avait demandé à ses fidèles de le semer sur ses cendres après sa mort dans le but que, sous ses branches, ils puissent continuer à confesser les leurs. »

Anna assiste à l’enterrement de sa grand-mère adorée : Madeleine, sa Deleine comme elle dit. Ayant perdu ses parents précocement, la jeune fille a été élevée avec beaucoup d’amour par ses grands-parents à qui elle doit un regard bienveillant et patient. Toute sa vie durant, Madeleine était subjuguée par Paris, ville à laquelle elle vouait un culte débordant sur tous les supports de sa maison.

« Un 36 tonnes, à contresens, lui avait pris son père et sa mère, alors qu'ils revenaient du bureau de vote, un jour d'élections. Ils étaient passés d'une urne à une autre en l'espace de quelques heures. »

Dès qu’elle fut en âge de travailler, Anna fut quelques temps employée au Shakesbeer en Belgique mais à la mort de sa Deleine, elle décide d’embrasser le rêve de sa grand-mère et d’aller lui rendre hommage en visitant la capitale française. Avec ses maigres économies elle débarque dans la ville lumière. On découvre le Paris des cartes postales mais aussi celui plus glauque des quartiers abandonnés des touristes.

« Le propriétaire du lieu était moitié anglais, moitié alcoolique. Il avait nommé son institution par la contraction de ses deux passions : Le Shakesbeer. Il était également le principal consommateur de son propre bar, car il était persuadé qu'en ayant un buveur aussi fidèle que lui, il ne connaîtrait jamais la liquidation. »

Après une pige d’été chez un glacier réputé Anna trouve une chambre de bonne, un emploi à la ville au service propreté et un vélo qui devient son fidèle compagnon. Avec son binôme Momo elle nettoie tous les jours un quartier auquel elle s’attache. Elle prend le temps de découvrir le vrai Paris, celui des gens ordinaires aux élans du cœur extraordinaires. En balayant on trouve parfois des trésors. Des pièces, des tickets de jeux à gratter, des photos et puis un jour : un dictaphone. Enregistré dans ses artères numériques : des chansons et une voix envoutante qui bouleverse la vie d’Anna.

« Cachée derrière son balai, Anna était au premier rang pour assister au spectacle que Paris lui offrait chaque matin. Le premier acte était souvent joué par des jeunes souhaitant boire la nuit jusqu'à la dernière goutte. Puis apparaissaient des sans-abris en quête d'un refuge sachant que dès les premières lueurs du jour, ce monde ne leur appartiendrait plus. Venait ensuite le bal des livreurs sur la bande-son des bips de leurs camions. Puis entraient en scène les promeneurs de chiens. Au bout de leur laisse, les canidés baladaient leur maître encore à moitié rêveur. Les plus malins se retenaient de déféquer afin de prolonger ce moment de liberté apprivoisée. Commençait alors la valse des travailleurs de l'ombre remplissant les premiers métros. Et enfin, s'introduisaient dans cette danse les écoliers en retard qui couraient derrière leurs parents courant eux-mêmes après le temps. »

Jérôme Idelon a un style unique. Ne cherchez pas, personne n’écrit comme lui. Son récit est truffé de jeux de mots à la résonnance poétique. C’est plus que de la littérature c’est de la musique, une musique qui vous arrache des sourires et de la tendresse. L’histoire est belle, bienveillante comme Anna et le témoignage de sympathie de Mme Livart en préface ne fait qu’augurer de toute cette douceur sémantique.

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