Les clochards célestes. Jack Kerouac

Publié le par Tactile

jack-kerouac-les-clochards-celestes.gif"Je contemplais ma vie comme une page vierge et brillante où je pourrais écrire ce qu'il me plairait."

Les clochards célestes… Des clochards oui mais pourquoi célestes ? A cette époque Kerouac en finit avec le bop, le jazz endiablé et les soirées de débauche, voilà le Kerouac mystique, le Kerouac cherchant la paix intérieure. On ne peut tout de même pas enlever clochard ; il ne faut pas éclipser le vagabondage et le style de vie libre façon hobo dont l'auteur s'en fait un des représentants. Donc ce livre est la combinaison d'un style de vie libre avec en plus la méditation comme Dharma.

"Je voulais acheter tout un équipement de campeur, avec ce qu'il fallait pour dormir, m'abriter, manger, cuisiner : une chambre à coucher-cuisine complète que je pourrais emporter sur mon dos. Après quoi , je partirais n'importe où, je pourrais trouver la plus complète solitude, faire le vide total dans mon esprit et parvenir à l'indifférence absolue vis-à-vis des idées."

Dans ce nouveau roman, le bouddhisme est la trame avec Ray Smith (Kerouac) comme narrateur. Encore une fois il se place humblement en retrait de son mentor : Japhy Ryder, beaucoup plus expressif, tumultueux et passionné. Smith oscille entre son éducation chrétienne qu'il ne renie pas et le bouddhisme avec des termes récurrents obscurs pour les non-initiés. Il est donc important de ce pencher sur cette religion avant d'attaquer le bouquin.

"Je marchais comme un saint chinois, vers Nulle Part, sans raison, en direction de ma montagne pour mon seul plaisir. Je trouvais ce pauvre petit monde angélique et ne me souciais plus de rien."

Kerouac profite de cette écriture pour égratigner le monde et son époque : le conformisme, l'aveuglement des masses.

"Où as-tu appris tous ces drôles de trucs ? demanda-t-il en riant. Et quand je dis qu'ils sont drôles, je me trompe. Ils sont rudement calés au contraire. Moi qui me tue à conduire ce camion de l'Ohio à Los Angeles et retour, je gagne sûrement plus de fric que tu n'en auras jamais si tu restes bohème, mais c'est toi qui as la belle vie et c'est pas seulement ça : le comble c'est que tu y arrives sans travailler et sans que ça te coûte cher. Qui est le plus calé des deux ?" Il avait une jolie maison dans l'Ohio avec une femme et une fille, un arbre de Noël, un garage, deux voitures, une pelouse, une tondeuse, mais il n'en jouissait pas parce qu'il n'était pas libre." un conducteur à Smith lors d'un auto-stop

"Tu es impeccable Ray. Il te manque seulement l'habitude de venir de temps à autre dans un endroit comme celui-ci. Tu as laissé le monde te fouler sous les sabots de ses chevaux et tu en as conçu l'amertume." Japhy à Ray

Dans ce livre, Kerouac est en recherche d'une vie plus pure, loin de l'agitation, des tentations comme les femmes et l'alcool, il vante la procrastination et fait l'éloge de la méditation.

"Je me tenais vraiment pour une sorte de saint dément. Et je ne cessais de me dire : "Ray, ne cherche ni l'alcool ni l'ivresse que procurent les femmes et les mots. Reste dans ta cabane et jouis des rapports naturels qui se nouent entre les choses telles qu'elles sont."

Il y a une forte volonté de retour à la nature et chaque voyage ou vagabondage va dans ce sens : trouver des endroits libres de toute présence humaine pour mettre en application ses théories bouddhistes. Il y a un vrai désir de paix intérieure dans cet ouvrage, de même que le désir de fuite et la contemplation romantique. Aussi y ai-je vu du Rousseau, du Thoreau, du Friedrich, du London, bref des artistes qui me parlent. Encore une fois je me retrouve tout à fait dans ce style roman et l'écriture parfois sous forme de haïku n'est pas faite pour me déplaire.
Retournons dans les bois !

"Sur vos paupières
Il n'est que guerres
La soie frémit
Dedans vos yeux,
Les Saints ont fui
Vers d'autres lieux."

"J'étais tout seul devant le feu et l'aube faisait grisailler le ciel, à l'est. "Mon gars tu es ivre", pensais-je, puis je me mis à hurler : "Debout, debout, la chèvre du jour encorne l'aube. A corne et à cri. Bang. Debout les filles, les fous, les braves, la canaille et les bourreaux ! En avant !" Et tout à coup je fus pris de la plus profonde pitié pour les humains, où qu'ils fussent, avec leurs pauvres visages, leurs bouches meurtries, leur sentiment de solitude, leurs tristes traits d'esprit, si vides et si vite oubliés, leur soucis de personnalité, leurs tentatives de gaieté et leur misérable pétulance."

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