Mon chien Stupide. John Fante
C'est avec un plaisir avide et non dissimulé que je retrouve ce livre chargé de souvenirs et d'histoires personnelles puisqu'apparemment c'est son rôle. Cet objet rassemblant des feuilles noircies à l'offset est, à priori, un filet à sentiments raclant le fond de nos quotidiens.
Il s'agît bien de quotidien. Le quotidien redondant, dodu à la répétition, renflé de toutes parts d'une vie monotone. C'est le quotidien d'un écrivain moyen, c'est notre quotidien, notre lot, notre routine. Suivez bien parce que tout est lié. Lui, nous, ils. En lisant les pages de John Fante, on se retrouve tellement dans ses situations et ses sentiments qu'on attache à ce livre des passages et des questionnements de notre propre vie.
C'est l'histoire d'un américain classique, celui-ci gagne modestement sa vie en écrivant des romans et des scénarios pour l'industrie hollywoodienne. Un parallèle avec la propre vie de Fante ? Bien entendu mais pas autant que le reste de son oeuvre. Donc ce protagoniste est enfermé dans un train-train quotidien avec job, femme et enfants, le tout empaqueté dans une villa au bord de la mer.
"C'était le genre de journée qui torturait un écrivain, si belle qu'il savait d'avance qu'elle lui volerait toute son ambition, étoufferait la moindre idée née de son cerveau."
Un sale jour en rentrant d'un rendez-vous raté avec un éditeur, il pleut à torrents lorsqu'il arrive dans son quartier labyrinthe de faubourg américain, Henry J. Molise découvre une chose dans son jardin. Un mouton, un ours, un sanglier ? Non. Un chien, un énorme chien à l'air con.
Très vite le chien se met à l'aise, s'incruste littéralement dans la maison et dans le quotidien des personnages. Impossible de l'en déloger sous peine de ton menaçant. Ce chien fait tout de travers et il se fait vite adopter sous le patronyme de Stupide. Essayant de violer tous les hommes qu'il rencontre, méprisant les femelles et terrorisant les autres chiens de son quartier, l'animal rend de plus en plus fier son propriétaire qui voit en ce chien l'occasion de retrouver son honneur bafoué.
"Il y avait une seule façon d'éviter la scène. J'ai jeté mes clubs de golf dans la voiture et suis parti pour Rancho où j'ai fait quelques trous avec trois poivrots. Et comme malheur n'arrive jamais seul, ils m'ont plumé à six dollars le point."
A la situation initiale, le chien est l'évènement perturbateur, quand aux péripéties elles tournent toutes autour de la vie de famille. Les enfants qui grandissent, les parents qui veulent les voir partir, le couple qui vieillit, les rêves secrets de Rome et d'un retour au sources. Toute la force de Fante est de nous parler de nous-même sans que cela soit ennuyeux, bien au contraire, c'est hilarant, caustique et loufoque. Très bien emmené, facile à lire, bref de la grande littérature dans un petit bouquin !
"C'était Jamie qui défoulait sa colère en lançant le ballon dans l'anneau fixé au mur du garage. Il était mon meilleur gosse. Il ne fumait pas de came, ne buvait pas de gnôle, ne couchait pas avec des Noires, il ne voulait pas devenir acteur. un père pouvait-il en demander davantage ? Ce fils avait quelque chose de sain et de rafraîchissant."