My Dark Places. James Ellroy
Voilà un chef d’œuvre, a masterpiece comme disent les ricains. Si l'on aime le style Ellroy il faut absolument se laisse absorber dans « My Dark Places » car c'est le livre matrice de tous les autres. Non seulement il s'agit d'un meurtre perturbant mais au delà, il est autobiographique car ce meurtre est celui de la propre mère de l'auteur.
Découpé en trois parties, le livre commence par l'enquête des inspecteurs en charge de l'homicide d'une femme rousse, la quarantaine, visiblement violée et morte étranglée. Les détectives inventorient méthodiquement les indices et témoignages, accumulent les noms et histoires. Rapidement il retracent les dernières heures de Geneva Hilliker Ellroy à travers El Monte, California et esquissent les traits d'un suspect potentiel qui demeure pourtant in-identifiable.
La seconde partie est écrite à la première personne car James Ellroy (de son vrai nom Lee Early Ellroy) raconte cette étape de sa vie. Il a 10 ans et est plutôt insensible à la nouvelle. En revanche il est ravi d'aller vivre avec son père à Los Angeles. Ses parents divorcés ont forgé son caractère et Ellroy est un enfant à part, intimidant physiquement et pourtant dépourvu de tout sens social. Il s'enferme dans les histoires criminelles et cleptomane, reclus dans les livres et ses rêves obsédants. L'enfant est absorbé par la mort de sa mère et d'autres histoires contemporaines comme celle du Dahlia Noir qu'il revit à travers ses fantasmes, ses démons, ses voix et cauchemars. A la mort de son père il plonge réellement dans les abysses des drogues et de l'alcool.
La troisième partie commence par un saut elliptique puisque nous sommes à l'aube du 21° siècle et Lee Early est devenu James Ellroy, auteur à succès qui consacre désormais tout son temps et argent à résoudre le meurtre de sa mère. Il a bien changé pour en arriver là. On le retrouve apaisé, guéri de ses phobies et l'on a affaire à un homme mature qui, avec l'ancien détective Bill Stoner, va remonter l'histoire de sa mère pour en traquer le meurtrier.
Cet ouvrage est magistral tant il arrive à marier le style cru et détaché des descriptions d'enquêtes façon Ellroy avec le récit objectif des sentiments de l'auteur. Toujours aussi impersonnel et détaché Ellroy en devient touchant à la manière d'un Primo Levi, il opte pour une méthode d'écriture scientifique qui se veut froide dans la forme et puissante dans le fond. Un très grand ouvrage.