Elles se rendent pas compte. Vernon Sullivan (Boris Vian)

Publié le par Tactile

Un Vernon Sullivan ça n’est pas un Boris Vian. Oubliez le langage fleurit, lyrique et surréaliste de Vian pour entrer dans l’univers du thriller made in USA. Vian se joue du monde littéraire en se faisant passer pour le traducteur officiel de Vernon Sullivan, ce qui ne surprend personne puisqu’il est le traducteur de Chandler notamment. Cette pirouette lui permet de s’amuser sans être démasqué tout en rendant hommage à ses amis musiciens de jazz via le pseudonyme choisit.

 

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Les points représentent des actions particulièrement agréables mais pour lesquelles il est interdit de faire de la propagande, parce qu’on a le droit d’exciter les gens à se tuer, en Indochine ou ailleurs, mais pas de les encourager à faire l’amour.
 »

 

Sullivan opte pour un style direct, très punchy, presque filmographique je dirais, à l’instar des films de Franck Miller. Il se permet également des apartés avec le lecteur et via la tonalité humoristique il défrise le genre. S’installe alors une confiance naturelle, on se sent à l’aise à la lecture d’une histoire qui se veut plus légère qu’il n’y paraît. Du pur divertissement.  

 

« On bavarde tous les trois comme de vieux amis et on se retape des highball parce que c’est sûrement la boisson la plus saine qu’on puisse trouver dans toute l’Amérique. »

 

Bon et l’histoire dans tout ça ? Un rapide synopsis nous apprend que le narrateur est Francis Deacon, de Washington, fils de bonne fille et qu’avec son frère Ritchie ils essaient de secourir une amie tombée dans les griffes de la drogue et d’un genre de mafia tenue par une lesbienne implacable.

 

« .........................................................................................................
Comme ça tout le monde est content. N’empêche... Vous allez me dire que tout ça, je vous le raconte par vice et que ça n’aide en rien au développement de l’histoire... Mais c’est les à-côtés du boulot et je commence à comprendre pourquoi il y a tant de flics, privés ou non.
 »

 

Entre bastons, bastos, coups de rasoirs et coups de reins, les deux frères se pastichent en filles pour passer incognito. Ainsi travestis ils peuvent se fondre dans un décor de préjugés puant la bonne société. Les femmes sont largement égratignées dans cette histoire mais après tout, elles se rendent pas compte. »

 

« Vous, les cognes, je dis, vous êtes une bande de faux frères. Toujours avec votre manie de filer des coups de gomme à effacer le sourire sur la boîte à réflexion des mecs, vous me faites mal au sein gauche. »

 

Ce court roman est dans la fière lignée des « Et on tuera tous les affreux » ou de « J’irai cracher sur vos tombes » et c’est tout l’art de Vian, à l’instar d’un Pessoa hétéronyme, d’être capable de briller avec différents styles littéraires. Du bonheur à lire.

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