La Route. Jack London

Publié le par Tactile

Inimitable Jack London qui a inspiré un vent de liberté chez les meilleurs écrivains américains du XX° siècle. En effet, quoi de plus symbolique que le thème de la route pour emmener tout le monde dans son sillage et nous insuffler l’envie de « brûler du dur » ?

 

« Je commençais à envisager la pénible obligation de m’adresser aux pauvres qui constituent l’extrême ressource du vagabond affamé. On peut toujours compter sur eux ; jamais ils ne repoussent le mendiant. »

 

Dans ce roman autobiographique, London nous fait voyager entre l’Amérique et le Canada qu’il parcoure sans le sou et le plus souvent en grimpant à bord des trains. Pour manger il mendie et puis s’allonge là où il peut pour se reposer. Une existence simple et authentique à l’image des premiers pionniers américains.

 

« ... le succès du mendiant dépend de son habilité de conteur. Avant tout, il doit jauger d’un seul coup d’œil sa victime, et ensuite lui débiter un boniment en rapport avec le tempérament particulier de cette personne et inventer à souhait pour l’émouvoir. »

 

La mendicité est racontée comme un jeu de l’esprit, c’est sûrement en essayant de gagner sa croûte que Jack London a développé son goût pour le récit imaginaire, récit qui se doit d’être le plus adapté à son auditoire dans l’espoir de récolter quelques restes ou mieux encore le summum du hobo : un repas assis.

 

« Et j’écorchais littéralement leur tendres paumes avec les callosités de mes mains, cette épaisseur de corne d’un bon demi-pouce que produisent la manœuvre des cordages et les longues heures passées à caresser les manches de pelle. Je le fis non par fanfaronnade juvénile, mais pour leur prouver, par ma besogne accomplie, le droit que j’avais à leur charité. »

 

Sur les routes le train-train est souvent le même : trouver le bon train, ne pas se faire éjecter en route, mendier son pain, éviter les flics. Les cerbères du système n’ont pas évolué et de tout temps ont été aux ordres des puissants, pauvres bougres sans réflexion a qui l’on demande d’aller exercer la force sur les anarchistes et libertaires. London se joue d’eux au fil du livre, c’est de toute façon ça ou le bagne sans aucun droit civique.

 

« J’ai souvent prétendu {...} que l’homme se distingue des animaux surtout en ceci : il est le seul animal qui maltraite sa femelle. »

 

Sur la route il rencontre beaucoup de gens, des hobos qui, comme lui, brûlent le dur et puis des gitans, des hôtes aimables ainsi que des compagnons d’infortune. Ce roman de jeunesse est pour l’auteur l’occasion d’apprendre de la vie et des autres, en observant, se trompant, en analysant et corrigeant le tir : c’est comme ça que l’on grandit.

 

« On pourrait taxer d’absurdité le fait de garder ainsi du pain. Mails il constituait une de nos grattes. Nous étions des maîtres en économie et agissions de la même manière que les capitaines d’industrie en société civilisée. Nous avions la haute main sur l’approvisionnement de la population, et tout comme nos frères bandits du dehors, nous pressurions le consommateur. »

 

Très bon roman qui nous rappelle à quel point, quand on a pour soi la santé et la jeunesse, il est facile de vivre en dehors des clous, au fil de ses aspirations en quête constante de liberté. Qu’il est bon de respirer cet air libertaire avec London.

 

« Le vagabondage m’avait empoigné et ne voulait plus me lâcher. Plus tard, quand j’eus voyagé en mer et fait toutes sortes de métiers, je brûlai le dur pour de plus longues étapes et devins une « comète », puis un « professionnel » et me plongeai enfin dans un bain de sociologie qui me trempa jusqu’aux os. »

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