Zulu. Caryl Férey

Encore un chef d’œuvre et un livre dévoré avec passion qui éclipse les heures de la nuit, vampirise celles de la journée. On tourne les pages voracement puisque le rythme s’y prête s’y bien. C’est énervant de ne pas pouvoir décrocher, de se laisser absorber jusqu’au mal de crâne tout en connaissant les subterfuges dont use Caryl Férey pour sa narration.
Car oui, il y a des astuces d’écriture. Déjà confier la narration à plusieurs personnages, bons ou méchants, ce qui nous donne de l’avance sur les protagonistes et dès lors on a envie de savoir comment ces derniers vont réagir. Ensuite il y a le fait de laisser en suspens une scène particulièrement intense en clôturant un chapitre sans connaître l’étendue des dégâts. Enfin l’intensité du récit qui grimpe en flèche à mesure que l’histoire se met en place.
Férey n’hésite pas à faire mourir des personnages auxquels on s’était attaché, à brouiller les pistes sur la personnalité du protagoniste, à voiler des détails descriptifs qui nous laissent dans des zones d’ombres parfois sinistres et que seule la fin du récit nous révèle. Cruel artiste. Cruelle histoire. Monstrueuse Histoire. L’Histoire de l’Afrique du Sud, des Zulu, des Boers, des Anglais, des Cafres, des coloured, de l’Apartheid. Encore une fois Férey tisse son récit dans la grande Histoire et on se cultive tout en se divertissant.
Ali Neuman réchappé des milices de l’Inkatha devenu chef de la police criminelle de Cap Town se retrouve chargé d’investiguer le meurtre d’une riche afrikans avec son équipe : Brian Epkeen et Dan Fletcher. Trois personnages aux profils bien différents, qui se complètent et traversent les drames tandis que les cadavres s’amoncellent autour de ce qui ressemble à des crimes racistes.
Très vite on se rend compte que l’histoire est bien plus complexe que cette première analyse. Drogues, cartels, immigration illégale, police corrompue, politiciens véreux, un pays déchiré qui tente de se réunifier pour préparer l’accueil de la Coupe du Monde 2010 de foot. L’Apartheid a ses relents, et la réconciliation nationale semble impossible ; tout comme l’enquête de Neuman qui s’éparpille et piétine.