Cygnis. Vincent Gessler
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Cygnis prend place dans un monde post-apocalyptique où l’on a que peu de repères temporels si ce n’est un décorum moyenâgeux entremêlé de cybernétique et d’armes à feu. Les sociétés décrites par Gessler son primitives et semblent vivre dans la terreur des attaques de robots et de pillards. Seul avec son loup Ack, Syn explore ce monde étrange avec son compagnon fait de chair et de métal. Il vit en trappant des peaux de bêtes et en chassant sa nourriture à l’aide d’un collet robotique.
« Le deuil s’enracine sur cette terre où nous marchons, toujours en rond. Il y a quelque chose d’irréductible dans la déchirure de la perte, dans l’amour blessé qui ne veut plus se découvrir. Une amertume qui en appelle aux larmes, aux mots muets, aux mots hurlés. Notre existence se joue ici, entre ces valeurs inventées par nos pères et celles que nous apprenons. » (incipit)
Le récit mène Syn à Méandre, ville fortifiée amie où il pourra faire commerce de ses peaux et sociabiliser le temps de retrouver le calme de la solitude. La ville fourmille d’artisans, de troubadours, de mercenaires et de voyageurs en cette période de fête. De grands feux sont allumés à la tombée de la nuit pour lancer les festivités mais un peuple ennemi, les troglodytes, en profitent pour capturer les femmes de Méandre.
« La lumière du matin filtre à travers la bulle, formant des irisations bleues et violettes qui dansent sur la matière élastique couleur d’ivoire ou de corne. Il sent son corps chaud et endormi. Elle a déposé son sommeil au creux de son épaule et il voudrait que cela ne cesse jamais. »
La guerre est déclarée entre les deux peuples qui enrôlent des mercenaires, arment leurs soldats mais doivent continuer de se méfier des diasols, ces robots tueurs d’hommes. Syn, qui s’est repu de chair et de bière fraîche, quitte ses amis Érine et Deck pour répondre à l’appel de la forêt. Mais son départ sera également celui d’une épopée qui pourrait signer l’extermination du règne humain.
« Dek contemple sa silhouette découpée à contre-jour du crépuscule estompé. Elle aussi appartient à ces marges qu’il a toujours connues. À n’être de nulle part, on appartient au monde entier. On peut s’inviter partout comme si on avait toujours été là. On a le recul de toutes les situations et, surtout, on peut s’en aller quand on le désire. »
Vincent Gessler nous offre un roman onirique, brodé de belles descriptions, orné de dialogues saillants et d’une histoire très rythmée. Nul besoin d’aimer la science-fiction car cet décorum sert avant tout une écriture libre d’imagination plus que de prétexte à noyer le lecteur dans un univers cyber-mécanique délirant. Les personnages sont là pour rappeler l’humanité de chacun et faire le lien avec nos émotions contemporaines. Ne vous privez pas.
« Les corps bousculés, projeté, un nuage de sang, de viscères et de poussière qui l’aveugle. Ses jambes se dérobent, sa main brûle et la chute l’assomme à demi au milieu des cadavres et d’une boue sanglante. {…} Il essaie de ramper à reculons, mais une de ses jambes a disparu. Il tâte l’autre de sa main : son bras gauche se termine en moignon rouge. Il respire encore. Le sol tombe vers lui… »