Un bon jour pour mourir. Jim Harrison

Publié le par Tactile

Second roman du grand Jim Harrison, Un bon jour pour mourir est un livre road trip à la filiation assumée avec Sur la Route de Kerouac. Dans la même veine que la beat generation Jim affectionne les histoires de gens ordinaires simplement perdus dans l’incompréhension d’une vie moderne et matérialiste qui nous éloigne les uns des autres. Et pour se retrouver quoi de mieux que la promiscuité d’une cabine de voiture et des milliers de kilomètres à avaler ? Tout démarre dans un bar, où le narrateur venu pêcher la mouche rencontre Timmy.

« Son séjour au Vietnam avait tout chamboulé. Lorsqu'elle était allée le voir à l'hôpital de San Diego, il l'aimait toujours, et il la désirait, mais il avait fumé trop de shit, pris trop de drogues et connu tant de putes à Saigon que rien désormais ne pouvait plus être pareil. Elle continua à parler de mariage, jusqu'à ce qu'il devînt de plus en plus grossier avec elle. Il me vint à l'esprit que je m'étais comporté plus d'une fois d'une manière similaire : quand on a cessé d'aimer quelqu'un mais qu'on est toujours très accroché, alors on commence à le maltraiter. »

Cette rencontre entre les deux hommes se fera autour de quelques verres et parties de billard mais c’est une idée sulfureuse qui lancera leur road-trip. Hardi par l’alcool, révolté contre les barrages qui changent le cours des rivières et perturbent la fraie des saumons, le narrateur suggère qu’il faudrait faire sauter la retenue d’eau qui bloque le Grand Canyon. Cette emphase alcoolisée soulève l’enthousiasme de Tim et les deux néo-amis prennent la route. En chemin, ils embarquent Silvia, l’ex de Tim. Un trio déjanté est né.

« L'eau était aussi claire qu'à Bimini, et en plongeant je pouvais voir très nettement le corps de Sylvia, mais cette vision avait fait surgir le souvenir déplaisant de ces photos de nus aquatiques que je regardais dans Playboy, quand j'étais jeune. Et quand on vivait dans ces forêts protestantes où il ne se passe jamais rien, ces photos faisaient de terribles ravages. Ces filles superbes, jouant toutes nues dans l'eau et les reflets du soleil, quand le regard de l'écolier de quinze ans ne voit autour de lui que de la neige. »

Tous les trois présentent des personnalités différentes. Tim est le costaud que rien n’effraie, Silvia la jolie fleur qui apaise les tensions et le narrateur : un doux rêveur. Pour ce dernier, rien ne vaut une partie de pêche à la mouche arrosée de quelques bières et d’un gros joint. Au fur et à mesure que l’objectif se rapproche (le barrage à faire sauter), son inquiétude grandit. Tim courre les femmes ce qui blesse Silvia qui essaie de le récupérer. Pendant ce temps-là, notre héro tombe mal opportunément amoureux.

« Je leur passai un joint que j'avais trouvé dans une de mes boîtes à mouches. Un remède pacifique, du moins je l'espérais. Je crois qu'il provenait de la réserve d'un ami, et qu'il était légèrement coupé d'opium. Ça devrait les calmer. »

Les deux compères avalent des kilomètres de bitume et de pilules. Dans le coffre de la voiture : des uppers, des downers, des trips, des somnifères, une vraie armoire à pharmacie ambulante façon Hunter S. Thompson. Ils mélangent savamment les doses chimiques avec l’alcool et le cannabis pour continuer de profiter à fond de leurs journées et des soirées dans les villes étapes. Tim finit souvent les soirées en compagnie d’autres femmes, Silvia et son ami eux se rapprochent.

« Courage! C'est un bon jour pour mourir, tout comme les Sioux Miniconjou auraient dit : Courage! La terre est la seule chose qui dure. C'est fantastique d'être capable de dire des choses pareilles, et de les penser. »

Encore un ouvrage délicieux de Harrison qui sait utiliser à merveille les mots justes et simples. Son écriture est fluide comme le cours d’une rivière et aucun barrage ne bloque le flot d’amour qu’il porte sur ces régions du Grand Ouest Américain. Nous voilà entourés de montagnes majestueuses, de cours d’eau poissonneux, d’histoire indiennes et de grands espaces. Un road trip qui vous emmènera loin.

« Si on veut baiser, il vaut mieux ne pas être flou et indirect. Un faible d'esprit pouvait avoir beaucoup de succès s'il avait l'assurance d'un gorille. »

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