Amok. Stefan Zweig

Publié le par Tactile

Stefan Zweig se donne le rôle du narrateur pour nous raconter l’histoire d’un amok. En malais, le amok est une personne soudainement habitée par la folie, qui, saisie d’une rage spontanée et incontrôlable se jette droit devant en courant et en poignardant tout ce qui se dresse sur son passage. La folie à l’état pur avec la mort ou l’épuisement pour seule finalité. Afin d’incarner cette démence, Zweig la fait raconter par un inconnu rencontré sur un bateau lors de son retour de Calcutta en Europe.

Mal à l’aise en compagnie des autres passagers et confiné dans sa cabine bruyante au centre du paquebot, le narrateur se saoule pour supporter l’ennui et le bruit. Il vit en décalé, dormant le jour et profitant de la nuit. Un soir alors que tout le monde est couché, il se dirige vers la proue du navire et rencontre un étrange personnage dans le noir qui fume une cigarette. Il décide de le laisser seul mais est très intrigué par cette rencontre et cette personne dont le nom ne figure nulle part.

Aussi, le lendemain, décide-t-il de revenir au même endroit du bateau et à la même heure. Cette fois ci, l’étrange passager tient à livrer son histoire pour se décharger du poids de sa culpabilité. Il s’agit d’un docteur autrichien qui a connu des déboires à Leipzig et qui est envoyé dans les colonies bataves. S’il espérait un prestigieux poste, il se retrouve dans une mission au cœur de la brousse avec les indigènes pour seule compagnie. Le temps passe et rien ne se passe des années durant jusqu’à ce que le gouverneur local dût se faire opérer d’urgence suite à un accident. Le succès de l’opération lui apporte une certaine renommée.

Quelques mois d’ennui plus tard, une mystérieuse dame, cachée derrière son voile débarque discrètement dans le cabinet du doc. Ce dernier comprend rapidement qu’elle est enceinte et veut se faire avorter sans que cela se sache car c’est une femme mariée qui a commis un adultère. Mais cette dame anglaise, se refuse à formuler clairement son souhait et s’en suit une joute verbale mêlant attirance et haine viscérale. Cette femme colle au schéma des femmes qui ont déjà mis le doc dans la panade.

La tension monte, le doc veut qu’elle le supplie. Elle s’y refuse. Excédé il lui annonce qu’il veut la posséder, la prendre physiquement. Ulcérée et fière, l’anglaise file. Éberlué, le médecin reste prostré quelques minutes puis se ressaisit et cours à sa suite comme un amok, délesté de toute conscience, obsédé par cette femme. Il la retrouvera à la capitale et essaiera de rentrer en contact avec elle. Contact qu’elle refuse. La suite est faite de folie et de regrets mais c’est trop tard.

Le récit de Zweig est ponctué de retours au présent, sur le pont du bateau donc et permet de trancher avec subtilité une histoire troublante. Cette astuce littéraire offre des espaces de respiration calmes, dans le noir de la nuit, au milieu du silence de l’océan indien. On ne distingue pas le amok de l’histoire, il est impersonnel et universel. L’histoire traite d’exotisme, de passion et de folie.

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