Bandini. John Fante
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Ce roman est l’histoire quasi autobiographique de John Fante et c’est aussi le premier succès littéraire d’un des plus grands auteurs américains du XXème siècle. La famille Bandini : c’est la sienne. Il y a la mère Maria, le père Stevo et les trois fils : Arturo, Federico et August. Chaque personnage a sa propre personnalité et Fante se meut dans les traits d’Arturo, l’aîné de la fratrie.
La famille Bandini est issue de l’immigration italienne ; elle réside dans le Colorado et doit sa subsistance au travail de forçat de Stevo : patriarche et maçon de métier. Durant les durs mois d’hiver ce dernier ne peut pas travailler à cause de la météo ce qui rend l’existence de toute la famille encore plus précaire. Maria, la mère, est dévouée à deux saints : Stevo son amour inconditionnel et Jésus envers qui elle adresse toutes ses prières.
Arturo Bandini ressemble à son père, il est taciturne, téméraire et a fort caractère. À l’école, les immigrés sont très mal vus et ça lui forge un tempérament endurci. Federico, lui, est beaucoup plus insipide et réservé tandis que August est le portrait de sa mère : une grenouille de bénitier à la délation facile. Les trois enfants ne s’entendent pas si bien.
C’est lors de ces longs mois d’hiver et de dèche que Fante va décrire l’implosion progressive de la famille Bandini. S’il admire son père, Arturo sait que ce dernier fait souffrir sa mère mais il ne peut rien y faire si ce n’est tenter d’agir comme un adulte et cacher ses émotions aux yeux des autres. Pour le lecteur, par contre, elles se révèlent pleinement. On y ressent la haine, la jalousie, la peur et l’amour, tout ce qui construit un jeune homme en pleine effervescence.
« La silhouette d'un homme s'encadra dans la porte ; il se campa au bord de l'étroite terrasse, l'extrémité incandescente d'un cigare dessinant une bille rouge sur sa bouche. C'était Bandini. Levant le visage vers le ciel, il aspira l'air froid à longues goulées. Arturo frissonna de plaisir. Nom d'un canard boiteux, il paraissait en pleine forme ! Il portait des chaussons rouge vif, un pyjama bleu et une robe de chambre rouge avec une ceinture à glands blancs. Nom d'un caneton boiteux, on aurait dit Helmer le banquier ou le président Roosevelt. On aurait dit le roi d'Angleterre. Bon Dieu, quel mec ! Quand son père fut rentré en refermant la porte derrière lui, ses doigts s'enfoncèrent avec délice dans la terre, et ses dents malaxèrent les aiguilles de pin acides. Dire qu'il était venu ici pour essayer de ramener son père à la maison ! Il avait donc perdu la tête. Pour rien au monde, il n'aurait profané l'image de son père rayonnant dans la splendeur de ce nouveau monde. Sa mère devrait souffrir ; ses frères et lui-même auraient faim. Mais leur sacrifice serait récompensé. Ah, quelle vision merveilleuse ! Comme il dégringolait au bas de la colline, bondissant sur la route et lançant parfois une pierre dans le ravin, son esprit se nourrissait voracement de la scène qu'il venait de contempler. »