Péchés capitaux. Jim Harrison
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Dans un décor à la Harrison, au cœur des grands espaces Nord-Américain, un anti-héro joue les narrateurs. Ce personnage c’est Sunderson, un ex-flic à la retraite qui souhaite consacrer son nouvel emploi du temps au whisky et à la pêche à la mouche. Mais l’histoire requiert des péripéties et celles de ce jeune retraité vont l’amener à New York, lui qui déteste la ville, pour aller tirer sa fille adoptive Mona des griffes d’un rockband qui veut l’embarquer dans une tournée européenne.
« Je devrais te réduire la tête en bouillie et prendre le pognon, dit l'homme en riant.— Tu aurais dû le faire il y a dix minutes. Maintenant tu as un Glock neuf millimètres pointé sur ta bite, une amie que tu n'as pas envie de perdre. »
Sunderson n’a pas vraiment de plan mais éméché il va faire chanter le musicien et y parvient : il empoche 50 K$ mais finit à l’hosto, le dos massacré à coups de batte de baseball. Sonia qui l’a tirée d’une mort certaine va lui donner de l’aide lors de sa convalescence newyorkaise. Diane, son ex-femme à qui il tient énormément et mère adoptive de Mona, va tout faire pour le remettre sur pied. C’est bien entouré qu’il se languit de retourner pêcher la truite dans ses rivières.
« Détestant la confusion mentale liée à la prise de narcotiques, il en absorbait le moins possible, mais parfois l'intensité de la douleur le propulsait dans un univers où la souffrance à l'état pur régnait en despote. »
Durant sa convalescence son ami Marion fait le voyage pour lui fait la morale sur sa vie dissolue et sa lubricité légendaire. Cloué au lit, Sunderson se met à réfléchir aux 7 péchés capitaux qui hantaient les sermons de son enfance à Marquette dans le Michigan. Sous l’effet des antalgiques il opère une série de flash-back qu’il alterne de pensées obscènes de vieux dégueulasse (sic) de 66 ans.
« La sobriété absolue ressemblait au néant. Il ne souffrait pas de sautes d'humeur, ni de délires, et sa vie fantasmatique était au point mort. Les fantasmes sont très importants pour un homme. Lorsqu'on n'a rien et qu'en imagination on peut faire l'amour à la plus belle femme du monde, c'est formidable. Ou attraper un gros poisson, ou gagner tout un paquet de fric. »
Une fois remis sur pied, il rentre chez lui à Marquette dans le Michigan. Son ex-femme occupe ses pensées alors il se saoule et part à la pêche. Avec l’argent du chantage, il acquiert un petit chalet à quelques heures de route et à deux pas d’une poissonneuse rivière. Alors qu’il semble trouver un peu de réconfort dans sa vie bucolique, Diane l’envoie récupérer Mona à Paris. La jeune fille est tombée dans l’héroïne et son rockband-boyfriend l’a plaquée. Dans la capitale des Gaules, il récupère sa protégée, et fait condamner le musicien mais dérape. Il a toujours fait des rêves salaces à propos de Mona et la jeunette qui le sait lui tombe dans les bras pour le remercier.
« En dehors des sévices sexuels infligés aux enfants, déclara Marion, il n'y a rien de plus dégoûtant que le Congrès américain. »
Dégoûté de lui-même et ressassant beaucoup sur le sujet de la luxure, il retourne chez lui pêcher et boire. Il rencontre ses voisins et s’immisce sans le vouloir dans la tumultueuse vie des Ames, ces gens qui vivent tout autour de chez lui ; des fous qui ne connaissent que l’alcool et le sang. Sunderson prend alors attache avec Smollens, le flic du coin qui a pris sa suite et l’aide à résoudre les crimes de sang qui adviennent quotidiennement dans l’entourage puis dans la famille des Ames.
« À un moment on se réduisait à un vieux bout de bidoche morte, et l'instant suivant on se retrouvait avec une érection d'adolescent dont la logique arbitraire n'avait pas plus de sens que le chaos des Ames. »
La luxure est certainement un péché très éprouvé du pêcheur de truite qu’il est mais il songe à en ajouter un huitième au contact des Ames : la violence. Sunderson se met donc à écrire en parallèle de ses petites enquêtes et aventurettes avec sa femme de ménage. À coups d’aller-retour entre le présent et le passé, se dessine un lien ténu qu’il entretient avec la violence. Méditatif lorsqu’il est dans sa rivière, il songe à Diane et lève son verre.
« Après son départ du Kentucky, le seul semblant d'éducation dont bénéficia Simon Jr. se résuma à son exploration enthousiaste des effets de l'alcool, des putains et des clubs de blues du centre de Chicago après la moisson. »
Sexe, whisky, violence et pêche à la truite sont les thèmes de ce roman mais plus largement de l’œuvre de Harrison. Sans emphase, sans prétention académique, l’auteur aborde la profondeur de l’âme humaine autant qu’il peint les grands espaces naturels. Avec des mots justes et efficaces il nous enchante de sa littérature, ce qui en fait un des plus grands auteurs américains. Un régal.
« Tu aurais dû le tuer, dit-elle.
— Ç'aurait été trop le bordel après, dit-il. Tous ces papiers à remplir. La mort est très bureaucratique. »