Dernières nouvelles du Sud. Luis Sepùlveda / Daniel Mordzinski
Le chilien et l’argentin sont amis de longue date, le premier est un écrivain de renom dont j'ai déjà pu parler dans ce blog, le second est un photographe né à Buenos Aires. En 1996 les deux compères ont effectué un voyage depuis la capitale Argentine jusqu'en Tierra del Fuego. Le projet d'en faire un livre c'est manifesté plus tard car comme le dit Sepùlveda « les livres sont des animaux bizarres ».
Tout commence à San Carlos de Bariloche, les deux amis se font prêter une 4L par un concessionnaire Renault et suivent la route vers le sud, sans itinéraire précis ni impératifs. Au fil de leur avancée ils rencontrent les gens du coin, des andins, des telhueche, des patagons. Tous ont une histoire à raconter ou bien des choses à montrer. Les habitants de cette terre hostile ont un caractère bien particulier, tout d'abord méfiants ils se laissent vite aller à la confidence dès lors que leurs interlocuteurs leurs témoignent du respect et de l'intérêt. Une calebasse de maté à partager, la chaleur d'un foyer, ou tout simplement une bouteille de vin et des cigarettes font se délier les langues. C'est avec déférence que les deux socios écoutent alors ces témoignages rares.
Tandis que Luis recueille les histoires, Daniel immortalise les scènes, les gens. Ce dernier transporte un polaroïd et un reflex argentique. Souvent il laisse un cliché poloraoïd aux personnes rencontrées. Grace à leurs connaissances de la nature humaine, il devient aisé pour les auteurs de trouver les histoires et rencontrer des personnages uniques. Une très belle façon de voyager.
Cet ouvrage est à la fois un recueil de photo et une suite de nouvelles, naturellement la plume de Sepùlveda dessine à merveille les portraits de ces gens, le tout avec une simplicité et une authenticité déjà louée. Les portraits de Mordzinski sont sincères et sans artifices, imprimés par la véracité du noir&blanc. Un ouvrage à lire, d'autant plus si vous avez, comme moi, visité cette partie du monde. Si vous ne l'avez pas encore fait : prenez vos billets d'avion !
"Les privatiseurs, les modernisateurs, les vainqueurs avaient le pouvoir et l'argent, leurs satellites et leurs caméra vidéo leur permettaient d'être sûrs de tout contrôler mais quelque chose leur échappait : ils ne savaient pas comment franchir la barrière entre l'égoîsme élevé au rang d'esthétique de la misère et un monde où les gens continuaient d'accepter l'incertitude non comme une malédiction mais comme la force motrice qui permet d'approcher ces petites certitudes dont la somme constitue la base primordiale de l'existence."