Paname underground. Zarca

Publié le par Tactile

Un véritable OVNI que ce bouquin signé Zarca. On lui a attribué le prestigieux Prix de Flore en 2017 pour Paname Underground alors ça m’a encore plus intrigué. Avant d’aller plus loin dans l’analyse, je vous laisse déguster cette citation issue du premier chapitre.

 

« Je me cale sur le plumard, sors un sachet de coke de ma poche et un billet de vingt. Je soupoudre le cul de ma frelonne, enroule le bifton et direct, m’enfile deux poutres dans les narines. Sans doute excitée par mon côté bâtard, Dina se courbe davantage. Je lui fouffe le fion sans pitié, plonge ma langue dans son trou et lui claque le boule. »

 

Ca pique hein ? Et bien voilà le style de Zarca : une patate de forain en pleine gueule. Bon c’est sûr que ça plaira pas à tout le monde mais je crois que l’auteur se moque complètement de plaire à qui que ce soit. Kerouac, Fante, Buk, ont sûrement choqués leurs contemporains par leurs langage cru et vrai, pourtant ils ont insufflé un vent neuf dans la littérature alors pourquoi pas du Zarca dans notre France si prude ?

 

« L’idée de pondre une intro ou un avant-propos pour présenter l’ouvrage me paraît un peu formatée, le mieux serait d’envoyer du lourd dès les premiers paragraphes, traîner d’entrée de jeu le lecteur dans les bas-fonds de Paname, en racontant par exemple une anecdote goudronnée, une histoire bien hardcore et personnelle. »

 

L’histoire, parce qu’au delà de l’écriture fleurie de l’auteur, il y a une histoire et bien c’est de conter le Paris caché, le Paris sale et dangereux que peu connaissent. A chaque lieu son style de fréquentation et Zarca part à la recherche d’infos croustillantes en allant rencontrer ses potes dans ces différents endroits. Un travail d’enquête au plus prêt de la crasse, de la violence, des drogues et du sexe.

 

« Maëlle, belle pute à la coupe garçonne et au déhanché appétissant, m’apporte une pinte de seize. Je la remercie, elle tourne les talons et regagne le zinc, je ne me prive pas de loucher sur son tarpé. Maëlle sent la chaudasse mais d’après Dina, c’est une étoile de mer au plumard. »

 

Le récit est romancé mais également narré à la première personne, sous le nom de Zarca avec des références à ses livres et ainsi devient incarné car nul doute qu’il y ait une part d’autobiographie dans l’inspiration puisée pour ce bouquin. On ne s’improvise pas Mec de l’Underground, on l’est et on l’assume.

 

« Ecrire des conneries qui ne me ressemblent pas, teintées de love et de pleurnicheries. Je me suis même foutu à la poésie, ce qui signifie pour moi toucher le fond du fond. »

 

Pour parler de ce Paname Underground, Zarca trame une histoire de vengeance suite à un guet apens qui aurait pu lui coûter la vie. Le fil du récit donne ainsi l’occasion d’aller dans les coins les plus hardcore de la capitale, en rencontrer ses personnages haut en couleur sous le défilement effréné des néons de la ville. 

 

« Je trace ma route, m’embourbe dans ce petit chemin de Little Kaboul, principal point de ralliement des réfugiés afghans depuis la fermeture du centre de Sangatte en 2002, sur la décision d’un petit-fils d’immigré hongrois devenu président de la République. »

 

Paris avec Zarca comme guide c’est drogues, sexe et violence assurés. Les recoins de la capitale ici explorés sont des plus sombres et inhospitaliers. C’est l’occasion de parler de la vie des sans-voix, de tous les trimards que l’on refuse de voir et dont on nie l’existence. Zarca est le porte parole d’une frange de la population que les aristos préfèreraient éclipser.

 

« Je t’emmerde ! Je le stoppe net. Tu m’fais bouger l’cul dans un spot périmé, t’arrives à la bourre, tu m’expliques que j’serai pas raqué pour gratter dans un ton mag et en plus m’exposes le truc comme si tu m’rendais service. Alors maintenant redescends d’un cran, règle mon addition et surtout, va bien t’faire fister ! »

 

C’est au final un excellent bouquin que je me suis enfilé d’une traite, comme une grosse poudrasse de cécé dans le nez de son auteur. La narration est démentielle, s’accélère à la fin du récit et nous laisse en plan, épuisés. Les personnages brossés dans le livre sont également d’une diversité exhaustive, à l’image de la France contemporaine et Zarca nous démontre qu’avec un peu de fraternité on peut être potes au delà des différences.

 

« A notre table, l’ambiance est un peu chelou entre le charclo, l’Afghan, la trans, le pédé cuir, le renoi taillé comme un golgolth, le rebeu barbu, Komar et moi. Une bouillabaisse dans une pub de puceaux. Une magnifique photo de mifa. »

 

Alors on aime ou on aime pas le style, il faut quand même comprendre le langage de la rue, l’argot est archi présent dans le livre et puis il faut apprécier ce milieu un peu mafieux et féroce. Ce sont des codes à s’approprier pour ressentir quelque chose à la prise en main du récit. Pour ma part j’ai adoré mais je regrette le manque d’épaisseur des personnages. Zarca aurait gagné à nous faire traîner en longueur, dans des descriptions de lieux et de gens plus abouties, ça aurait gagné en profondeur. A bien y penser ça donnera sans aucun doute un excellent film.

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