La main droite du diable. Ken Bruen

Publié le par Tactile

Dans la série des enquêtes de Jack Taylor, cet épisode commence à l’HP : hôpital psychiatrique où notre héro se trouve sous camisole chimique. Dans le précédent volume de ses aventures il subit un traumatisme avec la mort accidentelle de la petite fille trisomique dont il avait la garde. Serena May est la fille de Jeff et Cathy, un couple d’amis très proche. Jack la considère comme sa fille et lorsqu’elle bascule par la fenêtre, lui bascule dans les limbes.

« Si vous voulez savoir quelle est la musique d'ambiance, dans un asile d'aliénés, c'est le tintement des clefs. Ça et le gémissement étouffé de l'esprit humain dans son processus de désintégration, ponctués par les soupirs des condamnés. »

Jack Taylor se tient mutique, renfermé sur lui-même à consumer la vie lentement en HP, le séant cloué sur un fauteuil, le cerveau éteint pour oublier douleur et culpabilité. Un camerounais, Salomon, lui aussi interné parvient à l’extraire de ce marasme alors Taylor reprend ses esprits. La directrice le fait sortir de l’hôpital et il se retrouve de nouveau à l’air libre et iodé de Galway.

« Ainsi que le veut la coutume dans les pubs irlandais, des sentinelles étaient postées au comptoir : des hommes de soixante ans et plus, casquette fatiguée sur la tête, yeux fatigués, qui sirotent des pintes à demi vides. Ils échangent rarement une parole et commencent leur tour de guet juste après l'heure de l'ouverture. Je ne leur avais jamais demandé le but de cette attente, de crainte qu'ils ne me répondent. C'est comme pour les singes de Gibraltar : si les sentinelles s'en vont un jour, les pubs disparaîtront. »

L’Irlande est en pleine bascule économique, le pays se modernise, la finance se libéralise, les jeunes changent mais l’Église Catholique est toujours là. Aimée par certains, crainte et détestée par d’autres. Lorsque que le corps étêté du père Joyce est découvert c’est toute la société qui s’émeut. Connu pour ses crimes pédophiles non sanctionnés, cet ecclésiastique représente tout le pouvoir qu’a l’Église sur les irlandais. Jack sort tout juste de son rêve cotonneux et il va devoir affronter la nouvelle Irlande.

« L'Irlande est un pays de questions, et de très, très rares réponses. Nous sommes bien connus pour répondre à une question directe par une autre question. C'est une sorte de prudence innée : ne jamais »

L’agent Ridge, Ni Iomaire la ban garda en gaélique, entretient une relation ambigüe avec Jack, pourtant c’est elle qui s’occupe de son retour à la réalité. Notre héro a arrêté de boire, dispose d’un appartement prêté dans un quartier chic, s’apprête à hériter d’un autre logement et d’une belle somme d’argent de la part de Mme Bailey son ancienne logeuse. Tout paraît paisible jusqu’à ce que le père Malachy le charge d’enquêter sur la mort du prêtre pédophile. Ridge lui fait aussi part de ses problèmes : quelqu’un la suit et essaie de l’effrayer. Autre sujet avec Jeff, le père de Serena May, qui est retombé sévère dans l’alcool : Jack a du pain sur la planche.

« Il fallait bien qu'il pleuve, on était en Irlande, un droit acquis de naissance, par chacun de nous, qui permettait à l'herbe de rester verte et nous fournissait perpétuellement une bonne raison de nous lamenter. »

Alors qu’il se confronte de nouveau avec le monde, Jack doit affronter ses désirs d’alcool ainsi que les nouveaux personnages qui tiennent la ville depuis leur club de golf huppé et qui n’aiment pas trop qu’on se mêle de leurs affaires. Arrive à ce moment-là Cody, un jeune homme qui veut s’associer avec Taylor comme enquêteur. Autour d’eux, tout le monde pense qu’ils sont parents, Jack serait-il le père de ce vibrant jeune homme ? Ses profonds désirs de famille peuvent-ils se réaliser ? Ensemble, ils vont retrouver le pervers qui ennuie Ridge et ça tombe puisque Taylor a besoin de libérer son trop-plein de rage.

« J'étais le chaudron qui attend l'allumette. Je priais pour qu'elle s'enflamme, putain. Au fond de moi, je savais que je me raccrochais à ce détraqué, que j'étais content qu'il soit passé par là. Plus je pensais à la façon dont il harcelait Ridge, plus je bouillais intérieurement. Je voulais l'attraper, non pas pour elle, mais pour me libérer de l'ouragan qui hurlait en moi. »

Ce livre est une ode à la culture irlandaise. Ken Bruen l’a encore une fois truffé de mots en gaélique et d’anecdotes qui ancrent l’histoire à Galway. L’auteur relate de l’évolution de son pays à travers sa ville qu’il aime tant. La façon de communiquer, les formules de politesse, les us et coutumes, tout y passe comme dans un guide touristique. Taylor est à son apogée malgré son claudiquement, sobre comme jamais mais égal à lui-même : rock, livres, jean 501 et crosse de hurley.

« Je vais me procurer une hurley, plaquer une garniture en acier à son extrémité pour m'assurer qu'elle fendra l'air avec l'efficacité voulue. Vous voyez où je veux en venir ? »

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