Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... Kai Hermann et Horst Rieck

Berlin, fin des années 70, Christiane Felscherinow a 13 ans et pour payer sa dose quotidienne d’héroïne elle fait le tapin. Comment se fait-il qu’une pré-ado se retrouve dans cette situation si extrême ? Christiane n’est pas la seule, véritable phénomène générationnel l’héroïne a entraîné tant de jeunes aux portes des Enfers. Garçon et filles se retrouvent tellement accrocs qu’ils n’ont que la prostitution pour subvenir à leurs besoins de paradis artificiels. Généralement ça se finit très mal.

C’est lors du procès d’un pédophile, client de Christiane, que les deux auteurs-journalistes la rencontrent. Au départ il s’agit de faire un article sur les SDF à Berlin mais lorsqu’elle raconte son histoire ils décident d’en produire un livre complet, absolument choqués par la vie horrible que mène cette enfant. Deux mois durant ils l’écoutent et construisent cette biographie qui deviendra un best-seller en Allemagne et bien au-delà (traduit en 18 langues).

Pour compléter le récit, les journalistes se tournent vers les amis et la mère de Christiane. Ils interrogent des travailleurs sociaux et le pédagogue Berndt Thamm. Ensemble, ils s’alternent la narration pour raconter l’indicible horreur du quotidien des junkies de Berlin. Issue de la classe moyenne ouest-allemande, Christiane a un père alcoolique qui abuse d’elle et une mère qui lui fait trop confiance. Libre, elle s’ennuie au fond de sa cité où tout est interdit. Elle rêve de s’échapper de ce trou et le fera avec les paradis artificiels.

Au départ, elle se rapproche des gens « cool » du collège et commence à fumer du hash. Le shit l’ennuie alors elle essaie les opioïdes : valium, taz, LSD. Il lui en faut toujours plus si elle veut ressembler aux gens qu’elle admire : les héroïnomanes qui ont l’air si libres et détachés de tout. Un détachement de façade qui est en fait la pire des prisons tant l’emprise est violente et définitive. Hors cadre, sans aide, elle devra se débrouiller pour financer son addiction.

Tout le monde autour d’elle se pique, à commencer par son petit ami : Detlev mais aussi ses amies Babsi et Stella. Tous font le tapin à la station de métro Zoo pour s’acheter leurs doses. Tous sont accrocs et dans des états lamentables. Les pédophiles payent, les gosses trinquent, obnubilés par leur prochain shoot dans une fuite en avant où seule la mort les attend. Pourtant Christiane est sensible et intelligente, elle produit des réflexions clairvoyantes sur la société qui l’entoure mais la drogue et cette recherche permanente de l’effet du premier shoot va la détruire complètement.

Ce livre est un coup de poignard au fond des tripes. Des millions de lecteurs l’ont lu, il a été enseigné dans les classes en Allemagne et il relate si bien de l’échec d’une société capitaliste à la dérive, en perte de sens. Le phénomène de l’héroïne dans les années 70 a touché tout le monde et sans discrimination sociale, ce livre est aussi là pour en rendre compte, pour informer et alerter. À lire absolument.