Un roman français. Frédéric Beigbeder

Publié le par Tactile

1282669745.jpgUne superbe autobiographie de Beigbeder sous forme de thérapie, une sorte de chemin de croix où l'auteur va à la recherche de son enfance pour comprendre ce qui l'a amené là. Là c'est la geôle où il se retrouve enfermé suite à une interpellation pour consommation de cocaïne sur la voie publique. Deux trois rails sur le capot d'une voiture, aux yeux de tous, du Beigbeder façon Octave (99 frs) et là on se dit "ca y est il nous rembarque dans ses frasques".  En fait pas du tout, il nous amène dans son enfance pour comprendre ce qui l'a poussé dans cette spirale destructrice. Les similitudes avec De Profundis de Wilde sur le fond et la forme sont singulières.

En cherchant quel enfant il a été, Beigbeder veut s'émanciper, devenir enfin adulte : "si à 42 ans je désobéis aux lois, c'est parce que je n'ai pas assez désobéi à ma mère dans ma jeunesse. J'ai 20 ans de désobéissance à rattraper". Simple et lucide sur ce qu'il est nous assistons, voyeurs, à l'autopsie de son enfance entre Paris, NY et le pays Basque. Des lieux, des événements, le  divorce de ses parents, sa construction par opposition avec Charles (son frère), l'histoire de sa famille, son amnésie inconsciente. Entre les flash backs sur son enfance, Beigbeder adjoint des conversations absurdes et mélancoliques tirées de son incarcération.

Un Roman français est avant tout un hommage à sa famille, à ceux qui l'ont entouré mais également à sa fille Chloé avec laquelle il retrouve une sorte de virginité en s'attachant à des choses simples. Bref dans ce bouquin on est loin des oeuvres dandy/déjanté qui nous ont enchanté ; d'ailleurs ce livre ne nous est pas destiné sur le fond mais l'offrande stylistique est jubilatoire ! C'est un vrai succès, une écriture sobre et subtile, drôle et sérieuse qui nous pose la question de savoir quelle sera la direction de ses prochaines oeuvres.

En bonus track, ce magnifique passage au coeur de soleils artificiels, dans les cristaux de sa douleur :

"C'est toi que j'ai cherché tout ce temps,
dans ces sous-sols vrombissants et sur ces pistes où je ne dansais pas,
dans une forêt de personnes,
sous les ponts de lumière et les draps de peau,
au bout des pieds maquillés qui débordaient de lits en feu
au fond de ces regards sans promesses,
dans les arrière-cours d'immeubles bancals,
par delà les danseuses esseulées et les barmen ivres,
entre les poubelles vertes et les cabriolets d'argent,
je te cherchais parmi les étoiles vrillées et les parfums violets,
dans les mains serrées trop fort,
et à force j'ai du cesser de te chercher
sous la voûte noire,
sur les bateaux blancs,
dans l'échancrure veloutées et les hôtels éteints,
dans les matins mauves et les ciels d'ivoire,
parmi les aurores marécageuses,

mon enfance évanouie."

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