San Perdido. David Zukerman

Publié le par Tactile

San Perdido, seul roman publié par David Zukerman est un récit captivant du Panama post seconde guerre mondiale. C’est aussi le nom de la ville qui borde le canal, un lieu bigarré avec ses très pauvres, ses très riches, ses trafics et bordels. Le récit commence dans une décharge où l’on assiste à l’apparition d’un enfant Noir aux yeux d’un bleu intense qui sort de la jungle. Bien qu’il ne parle pas, tous ressentent son intense énergie.

« Comme une eau dormante, son silence recouvre bon nombre de ses qualités. La couleur de ses yeux agit comme un leurre. Les femmes s’y laissent prendre. »

L’enfant grandit dans la décharge, cajolé par Felicia une femme âgée qui vit là également. A son départ, on apprend alors son nom : Yerbo Kwinton. San Perdido regorge de malfrats : des pédophiles, des voleurs, des trafiquants, et un gouverneur corrompu à l’appétit sexuel incommensurable : Lamberto, dit Le Taureau. La ville est un haut lieu de prostitution où les femmes vendent leurs filles qui elles-mêmes cherchent à échanger leurs corps contre une vie plus confortable. Si le commerce du sexe s’étale au grand jour, la maison close de Madame est un endroit réservé à la haute société des maris infidèles.

« Au milieu des beautés juvéniles qui l’entourent, loin de se faner, Madame demeure une fleur immortelle. Son visage, à la grâce ancienne d’une porcelaine glacée, aux traits lisses et réguliers, est encadré par une chevelure d’un noir profond aux reflets bleus. »

Yerbo que Rafat a modelé dans la jungle des Cimarrons consacre son temps et sa force à aider les plus faibles. Femmes battues, enfants violés, hommes détruits. Toujours sans prononcer un mot mais doté d’une intensité métaphysique il est connu et respecté de tous. Les dockers jouent au jeu de la Mano (la poigne de fer) qu’a inspiré Yerbo, les enfants marquent de leurs mains souillées les murs pour lui rendre hommage et les femmes le regardent avec envie.

« Devant lui se tient un grand Noir aux yeux d’un bleu si clair que Teo a la sensation de se noyer en eux. Sa main puissante couvre son épaule, diffusant sa chaleur. Il l’observe avec patience. »

Zukerman parvient avec brio à relater d’une époque tout en construisant une intrigue qui s’attarde peu sur le personnage principal. Beaucoup de personnalités hautes en couleurs s’alternent la narration. Les descriptions sont chatoyantes, notamment celles des femmes caribéennes dont la puissance d’attraction sexuelle est décrite à merveille par l’auteur.

« Yumna s’est mise à arpenter le balcon. Elle fait des allers-retours, les bras croisés sur sa voluptueuse poitrine, donnant des coups de talons rageurs sur le sol. Carlos ne peut s’empêcher d’admirer les frémissements qui parcourent sa croupe lorsqu’elle marche. »

Un excellent roman qui se dévore vite et qui laisse une superbe impression.

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